Le paradoxe entre la baisse du taux de chômage annoncé par l’Insee et la hausse des inscriptions à France Travail intrigue. Au quatrième trimestre 2024, l’Insee a enregistré un taux de chômage de 7,3 % de la population active, soit une légère baisse de 0,1 point par rapport au trimestre précédent. Pourtant, le nombre de personnes inscrites à France Travail en catégorie A (sans aucune activité) a grimpé de plus de 100 000 sur l’année. Les raisons de cette apparente contradiction.
La première explication de ce paradoxe réside dans la divergence des méthodologies utilisées par l’Insee et France Travail pour mesurer le chômage.
L’Insee se base sur la définition du Bureau International du Travail (BIT) pour établir le taux de chômage. Selon cette norme, est considérée comme chômeur toute personne de 15 ans ou plus qui :
Cette définition repose sur des enquêtes auprès de la population active, offrant une vision statistique du chômage.
De son côté, France Travail recense de manière administrative toutes les personnes inscrites dans ses fichiers, qu’elles soient en recherche active d’emploi ou non. Ces inscrits sont classés en plusieurs catégories :
Ce comptage inclut donc des profils variés : des chômeurs au sens strict, mais aussi des personnes en formation, en transition ou même sans réelle volonté de retrouver un emploi immédiatement
Une autre clé de compréhension réside dans l’évolution de la situation des jeunes de 15 à 24 ans. L’Insee note une baisse marquée du taux de chômage dans cette tranche d’âge, qui est passé à 19 %, en recul de 0,8 point au quatrième trimestre 2024. Cette amélioration contraste avec la hausse des inscriptions des jeunes à France Travail.
De nombreux jeunes s’inscrivent à France Travail pour des raisons administratives, comme bénéficier de certains droits (allocations, accompagnement, etc.), sans nécessairement répondre aux critères du BIT. Par exemple, un étudiant à la recherche d’un emploi à temps partiel ou d’un stage peut s’inscrire à France Travail, mais ne sera pas comptabilisé comme chômeur par l’Insee s’il ne recherche pas activement un emploi à temps plein.
L’Insee évoque une augmentation du « halo autour du chômage », qui regroupe les personnes souhaitant travailler sans être considérées comme chômeurs au sens du BIT. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes en études ou en apprentissage, qui cherchent à combiner formation et emploi sans succès.
Un tiers de l’augmentation des inscrits à France Travail est attribué à des modifications dans les procédures d’actualisation des demandeurs d’emploi. Ces ajustements techniques peuvent fausser la perception de l’évolution du chômage.
Depuis le 1er janvier 2024, la réforme France Travail a entraîné l’inscription automatique de plus d’un million de bénéficiaires du RSA et de jeunes auparavant non répertoriés par le service public de l’emploi. Cette mesure vise à améliorer l’accompagnement de ces publics dans leur recherche d’emploi.
Cette inscription automatique gonfle mécaniquement les chiffres de France Travail sans refléter une dégradation immédiate du marché du travail. Beaucoup de ces nouveaux inscrits n’étaient pas auparavant comptabilisés dans les statistiques de l’emploi.
Selon l’Insee, les impacts de cette réforme sur le taux de chômage au sens du BIT restent incertains à court terme. Si l’accompagnement porte ses fruits, on pourrait observer une hausse du taux d’emploi dans les mois à venir. Cependant, cela dépendra de la mise en œuvre effective des mesures et des conditions économiques générales.
Malgré la baisse actuelle du taux de chômage, les prévisions pour 2025 restent prudentes. L’Insee anticipe une remontée du chômage à 7,6 % de la population active d’ici juin 2025.
Cette augmentation serait due à plusieurs facteurs :
Si les chiffres de l’Insee montrent une amélioration du chômage au sens strict, la situation reste fragile, notamment pour les jeunes et les publics précaires.
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