Le marché du travail en France traverse actuellement une phase de stabilité précaire. La quasi-stagnation du taux de chômage au troisième trimestre témoigne de cette situation ambiguë : un marché qui freine mais ne s’effondre pas. Les trois indicateurs à surveiller pour comprendre les dynamiques actuelles et futures du marché de l’emploi.
Dans un contexte économique marqué par des annonces de plans sociaux de grandes entreprises, le marché du travail français résiste, soutenu par un flux d’embauches encore conséquent. D’après les données de l’Urssaf, les déclarations d’embauche de plus d’un mois hors intérim ont atteint en moyenne 786.000 par mois au cours des neuf premiers mois de 2023. Bien que ce chiffre soit en baisse par rapport aux 812.000 de l’année précédente, il reste supérieur aux niveaux pré-pandémiques.
L’emploi des 15-64 ans a atteint un taux record de 69,1 %, grâce à l’augmentation notable de l’emploi chez les seniors (55-64 ans), un effet attribué à la récente réforme des retraites. Selon Yves Jauneau, chef de la division synthèse et conjoncture du marché du travail de l’Insee, cet effet mécanique est un facteur clé de ce dynamisme apparent.
Bien que certaines industries aient ralenti leurs recrutements, des secteurs continuent d’embaucher activement, soulignant la résilience du marché. Cet équilibre entre créations et suppressions d’emplois stabilise globalement le marché du travail, même si l’optimisme reste modéré.
Le taux de chômage global semble stable, mais un regard plus attentif révèle un autre visage : celui de l’emploi des jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans a grimpé de 1,8 point, atteignant 19,7 % au troisième trimestre 2023. Cette hausse continue, amorcée il y a huit trimestres, s’accompagne d’une baisse de 0,4 point du taux d’emploi des jeunes, qui s’établit à 34,6 %.
Cette situation trouve des explications possibles dans deux hypothèses avancées par l’Insee. D’une part, une proportion accrue de jeunes en formation pourrait expliquer une baisse du taux d’emploi, tandis que d’autre part, une anticipation des recherches d’emploi pendant l’été, en vue d’un marché de l’emploi potentiellement moins favorable, pourrait avoir joué un rôle.
Un autre indicateur à observer est la qualité des emplois disponibles. Même si le rythme des embauches faiblit, la qualité des contrats proposés reste solide. Le taux d’emploi en CDI a progressé de 0,2 point au troisième trimestre pour atteindre 51,1 %, soit un niveau supérieur à celui de fin 2019, avant la pandémie. Parallèlement, le taux d’emploi en CDD et intérim reste stable à 6,6 %, en deçà de son niveau pré-pandémique.
Le sous-emploi, qui représente la proportion de personnes en temps partiel ou en activité partielle souhaitant travailler davantage, reste à un niveau historiquement bas de 4,3 %, le plus bas depuis 1992. Cela montre qu’une « reprécarisation » du marché du travail n’est pas observée à ce stade, comme le souligne Yves Jauneau, Chef de la division synthèse et conjoncture du marché du travail de l’Insee.
La prochaine convention Unédic, en cours de négociation, prévoit de réduire le seuil minimum de mois travaillés pour que les primo-accédants au marché du travail soient éligibles à l’assurance-chômage. Passer de six à cinq mois pourrait être une mesure salutaire pour soutenir ces jeunes en difficulté.
Ces éléments combinés indiquent que, malgré un contexte économique difficile et des tensions sur certains segments de l’emploi, la qualité des opportunités d’emploi demeure forte, un signal encourageant pour la résilience du marché français.
Bien que le marché du travail français ne montre pas encore de signes de retournement majeur, l’augmentation du chômage chez les jeunes reste préoccupante. La persistance des embauches et la qualité des emplois offrent néanmoins des motifs de confiance. La capacité de l’économie à absorber ces tensions et à promouvoir l’emploi des jeunes sera un test important dans les mois à venir.