Le cadre réglementaire du portage salarial connait un changement avec l’annulation par le Conseil d’État de l’extension de l’avenant n° 2 de la convention collective le 12 avril dernier. Ce texte concerne la répartition des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges assumées par les travailleurs indépendants portés. Cette décision, survenue près de deux ans après la validation de l’extension, aura des répercussions significatives.
La mise en place de la convention collective du portage salarial s’est faite rapidement en 2017, les partenaires sociaux redoutant à l’époque que l’arrivée d’un nouveau gouvernement mette en péril l’accord obtenu avec la direction générale du travail (DGT). Ainsi, le document a été signé le 22 mars 2017 par toutes les organisations syndicales d’envergure nationale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC).
Toutefois, les négociations accélérées n’ont pas permis d’aborder toutes les thématiques prévues. En conséquence, le cadre conventionnel a été complété par des avenants. Parmi eux, l’avenant n° 2 a été introduit par arrêté du 28 avril 2017 suivi par une publication au journal officiel le 30 avril. Les partenaires sociaux y listent les charges et prélèvements pouvant être appliqués par les sociétés de portage salarial au montant disponible pour chaque consultant porté. Leur but est de protéger les salariés portés de tout éventuel abus des entreprises de portage salarial (EPS).
Pour mémoire, le montant disponible est défini par l’article 21 de la convention collective comme
« la somme restante après déduction des frais de gestion de l’EPS du chiffre d’affaires réalisé par le salarié porté selon le nombre de journées ou heures reporté dans le rapport de mission ».
De ce montant sont ensuite soustraites les différentes charges ou provisions (cotisations sociales, prélèvements fiscaux, etc.), tandis que diverses indemnités (congés payés, apport d’affaires, fin de contrat pour les CDD…) et remboursement de frais professionnels sont ajoutés.
L’extension attendue de ce fameux avenant n° 2 n’est arrivée que trois ans plus tard, notamment en raison du retrait de la signature de a CGT et de la saisie du Conseil d’État par ce syndicat et certaines EPS pour réclamer l’annulation de l’arrêté d’extension.
Ils invoquent quatre motifs pour justifier leur démarche :
Par ailleurs, au contraire des autres signataires (PEPS, CFE-CGC, FO, CFTC et CFDT), la CGT craint que l’avenant n° 2 facilite la facturation de frais cachés par les EPS. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils recommandent aux travailleurs portés de ne pas se contenter d’une simple comparaison des frais de gestion lors de la sélection d’une EPS, mais de demander des simulations et de s’intéresser aux services compris.
Le 12 avril 2023, le Conseil d’État a annulé l’extension de l’avenant n° 2, évoquant notamment l’absence de mesures spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés, alors que cette condition est imposée par le Code du travail dans son article L. 2261-23-1 pour toute extension de la convention de branche ou l’accord professionnel.
Si la CGT a été déçue que le Conseil d’État ne se soit pas prononcé sur le fond, les autres ont déploré la prise d’une décision sur la base d’un seul point de détail. Aussi, pour la contourner, les partenaires sociaux ont proposé l’avenant n° 13, assorti d’un article supplémentaire portant sur le sujet d’achoppement. Signé par les organisations patronales (PEPS et FEPS) et par les organisations syndicales qui pèsent 91 % des représentations dans la branche, ce texte stipule que :
« l’accord ne prévoit aucune disposition particulière pour les entreprises de moins de 50 employés, puisqu’il vise uniquement à clarifier les montants que l’entreprise de portage salarial peut déduire des honoraires réglés par les clients avant de verser le salaire du collaborateur porté. La taille de l’entreprise n’a aucune influence sur une telle opération, il n’y a donc pas lieu d’introduire des règles spécifiques pour les EPS aux effectifs limités ».
Le sort de l’extension à la suite de cet ajout est attendu prochainement, car le ministère du Travail a récemment publié un avis à ce sujet, accordant ainsi un délai aux organisations et aux parties intéressées pour exprimer leurs commentaires et opinions.