Le portage permet de tester la viabilité de son activité sans trop s’engager. Il limite les risques et évite certaines démarches administratives. Mais il peut coûter jusqu’à 15 % de son salaire.
Concept né en 1985, le portage salarial a longtemps eu la réputation d’avoir un statut flou. C’est pourtant une pratique qui continue à faire des adeptes, notamment dans les managers de transition, puisque le nombre de portés s’élève en 2021 à 13.000 en France selon la Fédération nationale du portage salarial (FENPS), soit quelques 3.000 de plus qu’en 2003. Et pour cause : il présente de nombreux avantages pour se mettre à son compte.
Contrairement à la création d’entreprise, le portage salarial permet de débuter immédiatement et sans frais une activité, en passant outre les formalités administratives contraignantes. La société de portage agit comme un prestataire auprès du client : elle facture la prestation, verse le salaire et s’occupe de l’aspect administratif. Vous pouvez donc vous consacrer entièrement à votre métier, sans vous soucier de la paperasse. Mais, à la différence d’un prestataire, le porté peut quitter sa société de portage en conservant sa clientèle.
Juridiquement, le portage est un statut bien protégé pour le porté (lire l’encadré). Mieux vaut cependant choisir une société de portage membre du SNEPS (Syndicat national des entreprises de portage salarial), ayant signé la charte de déontologie établie par le syndicat.
Sur le plan financier, liberté et flexibilité restent coûteux. D’un côté, vous ne prenez pas le risque d’investir ou d’engager votre patrimoine familial, et économisez le coût d’immatriculation. D’un autre, les frais de gestion et d’administration retenus par le porteur peuvent atteindre 15 % de la facturation client. Cette commission peut cependant être dégressive en fonction de votre chiffre d’affaires annuel. Les plus performants ne versent ainsi que 3 % sur les factures émises.
Selon la FENPS, le salaire net de l’intervenant est d’environ 50 % des prestations facturées hors taxes. Suivant les cas, le salaire peut être lissé sur l’année ou dépendre directement des factures réglées par les clients. Pour Laurent de Rauglaudre, sous contrat de portage avec la société Links depuis mai 2003, le salaire est indexé sur un taux horaire, basé sur le rapport entre le salaire perçu dans sa précédente entreprise, Gemplus, et le nombre d’heures de travail.
Au niveau social, vous n’avez pas, en tant que porté, de déclarations à faire à l’Urssaf et aux caisses d’assurance maladie, comme c’est le cas pour l’entrepreneur. Vous conservez vos droits : sécurité sociale, Assedic, retraite… Les Assedic compensent financièrement, jusqu’à un certain seuil, les périodes non travaillées. Les risques éventuels sont directement assumés par l’assurance responsabilité civile professionnelle de la société de portage dont vous êtes salarié.
Libéré des contraintes de la création d’entreprise, vous pouvez tester la viabilité de votre activité avant de vous lancer véritablement. « Le portage salarial permet d’éviter un éventuel dépôt de bilan dans le cas où la création d’activité ne fonctionne pas », estime Laurent de Rauglaudre. Après un an et demi de portage, il a finalement créé sa propre entreprise de conseil en management, début 2005, sans pour autant quitter son statut de porté.
« Je maintiens le portage pour une partie de mes activités, soit un salaire minimum de 2.000 euros par trimestre, ce qui me permet d’enregistrer un trimestre de retraite, chose impossible lorsque l’on démarre son entreprise et que l’on bénéficie de l’ACCRE (exonération des charges sociales des créateurs d’entreprises dans la première année de l’entreprise). »
Le consultant restera sous contrat de portage jusqu’à ce que son entreprise passe le cap difficile de la première année.
Pour d’autres encore, le portage est un passage obligé pour convaincre banquiers et clients. Marie-Claude Gérard a dû passer par une société de portage avant de créer son entreprise, Nexialis consultants.
« Les banques et les services achats et financiers des entreprises clientes se méfient. Ils demandent de présenter trois ans de bilans. La société de portage m’a permis d’utiliser son historique, son nom et d’envoyer les factures que je lui préparais. »
Au bout de six mois de portage, elle a pu fonder sa société.
Néanmoins, la formule ne séduit pas les plus férus de liberté. Philippe Gential, 48 ans, a lancé PGCD, une société de coaching, pour à la fois changer de métier et devenir le seul responsable de son avenir professionnel.
« Le portage ne m’a pas semblé susceptible de m’apporter une aide pertinente, explique-t-il. Je suis formé en gestion et possède une grosse expérience commerciale. Ainsi, mon autonomie et ma responsabilité sont pleines et entières. »
Le portage salarial engage une relation tripartite entre le porté, le porteur et le client. Dans cette relation, c’est le porté qui encours le moins de risques. « Le porté a un statut protégé comme l’est celui du CDD », compare Isabelle Mathieu, avocate et associée chez Daem partners.
Le risque le plus important et le plus courant est le délit de marchandage et de prêt de main d’œuvre, lorsque un lien de subordination s’instaure entre client et porté.
« Cela intervient dès que la société cliente impose des horaires ou envoie un e-mail de sanction ou d’instruction », précise l’avocate.
Mais la limite est floue si l’on tient compte du droit de regard nécessaire du client. « C’est pourquoi le portage s’adresse exclusivement à des cadres pour des missions intellectuelles, hors exécution. »
La plupart des abus viennent des sociétés de portage. Certaines n’hésitent pas à accepter n’importe quelle mission, car elles touchent une marge équivalent à 50 % des missions facturée. Or, si la mission est requalifiée avec un lien de subordination, société de portage et client peuvent être mis en cause tout les deux. « Le porté peut alors prétendre être salarié de l’entreprise cliente », souligne Isabelle Mathieu.
Le client peut être amené à supporter solidairement les charges et à être qualifier en tant que co-employeur. Enfin, pour s’assurer de la déontologie de la société de portage, une seule référence pour l’instant : le SNEPS, Syndicat national des entreprises de portage salarial.
Mis à jour le 4 juin 2024